Jacques SEYWERT: Ce qui coûte le plus, c’est penser à court terme
Engineering The Future Together. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Jacques SEYWERT: « Nos métiers, l’ingénierie, l’architecture, l’urbanisme, la planification en général, vont bien au-delà de la gestion de l’existant ; par nature, nous sommes des bâtisseurs du futur. Chaque fois que l’on travaille sur une idée ou un concept, on façonne l’avenir… qui commence aujourd’hui.
C’est un travail collectif et on a besoin d’une approche multidisciplinaire. Nous pouvons compter sur une implication de nos experts métiers et de tous nos collaborateurs, mais aussi sur tout un réseau, maîtres d’ouvrages, pouvoirs publics, clients… Nous sommes, ensemble, développeurs d’idées et acteurs de changement ».
Comment décririez-vous l’impact que peut avoir un bureau comme S&A sur le Luxembourg de demain ? Et pour la planète ?
« Nous apportons des idées mais on produit surtout des projets très concrets et cela impacte souvent le quotidien de centaines de personnes qui utilisent les infrastructures par exemple. Nous avons cette responsabilité en tant que planificateurs. Et l’impact est réel à plusieurs échelles, macro quand on parle d’économie circulaire, de préservation des ressources, de sobriété énergétique, de modélisation de l’espace urbain ou de concept de mobilité, micro quand on évoque des choix de finitions pour un bâtiment par exemple.
On peut donc avoir une influence à chaque étape d’un projet, et en plus avoir un impact sociétal, en fonction du cycle de vie du projet et de son utilisation. Nous nous devons d’avoir une démarche proactive, pour développer de nouvelles approches, rester ouvert aux idées et challenger les projets pour les rendre meilleurs. La sensibilisation des décideurs fait partie de nos missions. Pour convaincre, nous devons agir, concrétiser les idées et montrer que ça fonctionne.
Comment vous impliquez vous personnellement dans cette stratégie ?
En tant que chef de service Bâtiments, je me trouve, tous les jours avec l’équipe, impliqué dans la quête de l’optimisation et de la minimalisation des ressources. Nous privilégions aussi les aspects circulaires, dans un secteur de la construction qui est parfois gourmand en ressources et dans un pays où l’on construit beaucoup !
En fait, il faut réfléchir à toutes les solutions en étant conscients des réalités à regarder en face.
Nous intervenons sur des bâtiments existants (environ 1/3 de l’activité) et sur des nouvelles constructions, dont le gros-œuvre peut influencer sérieusement un bilan carbone. 5% de la production totale de gaz à effet de serre vient de ce que l’on conçoit, à savoir le gros œuvre des nouvelles constructions.
En termes de bilan carbone, chaque m3 de béton économisé est équivalent à un trajet d’env. 1.000 km en voiture à moteur thermique. On doit donc appuyer toutes les approches qui évitent l’utilisation de ressources, en travaillant par exemple avec l’existant. Nous avons une unité spécialisée pour cela. Il nous faut aussi construire en optimisant chaque détail, une statique efficace, une bonne utilisation des matériaux – le choix des bons matériaux aux bons endroits.
Il y a tellement de challenges et d’enjeux, c’est passionnant ; chaque projet est un prototype. Il faut analyser les variantes, ne pas se contenter de la première idée, rester ouvert, mettre le focus sur les besoins réels – on doit donc comprendre les besoins et challenger l’usage et les utilisateurs, actuels et futurs– pour amener les bonnes solutions. Des solutions de qualité et des solutions durables, sur un cycle de vie. Il faut penser déconstruction, déplacement, réutilisation, changement d’affectation…
Des piliers de la stratégie et des différents enjeux, lequel vous semble le plus important/urgent à réaliser ? Pourquoi ?
Le plus difficile est sans doute de passer outre la question purement économique, en tout cas de convaincre pour faire passer ce qu’on pense être la meilleure solution à long terme, de persuader le maître d’ouvrage du bien-fondé des investissements. 30 à 35% des coûts proviennent du gros-œuvre. Mais le plus cher, c’est de penser à court terme, à tous les coups.
On doit donc chasser les idées reçues, vérifier les scénarios, rester à l’écoute du marché et des innovations, analyser toutes les possibilités qui permettent de concilier économie et écologie et, notamment, promouvoir la culture de la réutilisation et du travail sur l’existant.
Précisément, quel serait votre message aux collaborateurs-trices du bureau ?
Nous sommes dans des métiers d’idées et d’innovations. Nous nous devons de challenger les idées et de matérialiser les bons exemples. Or chacun d’entre nous, dans la société en général, dans notre entreprise en particulier, chaque maillon de la chaîne a des choses à apporter. Chaque choix que l’on pose a un impact, et nos choix individuels, posés en équipe, deviennent des projets collectifs. C’est une motivation je pense. Tout cela exige de l’ouverture d’esprit et un vrai sens des responsabilités. »